LES PLEUREUSES

Installation vidéo (triptyque) – 3’13’’01
André Goldberg - 2006

Depuis l’Antiquité, des femmes sont rétribuées pour sangloter, gémir et implorer le Ciel lors des obsèques. Il s’agissait souvent de professionnelles que l’on payait pour chanter les mirologues aux funérailles, celles qui chantent le thrène, la lamentation sur le mort. 
Suppliantes, d’autant plus nombreuses que le défunt était puissant, respecté ou encore frappé par la mort dans l’innocence du jeune âge, elles nous proposent le paradigme du spectacle, c’est-à-dire une représentation de la douleur plus impressionnante que la douleur, dont elle n’est pourtant qu’un simulacre.

Dans la légende d'Osiris, ses deux soeurs Isis et Nephthys parviennent, grâce au vent de leurs ailes, à rendre le souffle vital au dieu. Placées chacune à l'extrémité du sarcophage du défunt, elles le protégeaient de leurs ailes déployées.

Les grandes religions monothéistes ont chacune une approche théologique singulière de la mort et des rites funéraires spécifiques. Mais sur la question de la représentation du corps - là où l’iconographie du judaïsme et de l’islam bannissent toute représentation humaine - la religion chrétienne fournit à l'imaginaire occidental de nombreux motifs issus des icônes et de la peinture de dévotion : Christ en croix, expirant, Descente de croix, Pietà (Vierge tenant sur ses genoux le corps du Christ descendu de la croix), "Dormitio" (Vierge morte qui est représentée alitée), Mort ou Mise au tombeau de saints, Martyrs, Homme de Douleurs. A l'instar du Christ de Grünewald, des crucifixions de Bacon au XXè siècle ou de la splendide utilisation du motif de la Pietà dans Cris et chuchotements de Bergman.

Cette installation vidéographique se présente sous la forme d’un triptyque, trois tableaux dans un même temps.
Dans les deux volets extérieurs, deux danseuses, telles Isis et Nephthys, tentent de représenter par des gestes, les sentiments qui les traversent dans la douleur. Rage, culpabilité, deuil, absence, peur, vertige, souffle, résignation, solitude, abandon, séparation , tristesse, … une foule d’émotions qu’il faut aller chercher au plus profond de soi, de son d’être, des sentiments enfouis dans le tréfonds de l’âme humaine depuis la fin des temps.

La disparition d’un être cher conduit à porter un regard particulier sur la dépouille mortelle. La représentation du corps étant également le support privilégié de la danse.
Dans le tableau central, le corps du défunt est étendu sur le sol. Les embaumeuses dont on ne voit que le mouvement des bras et des mains, parcourent le corps, des pieds à la tête afin de le préparer pour son dernier voyage.